Chardonneret, de Cécile Odartchenko
J'ai lu ce 1er roman autobiographique de Cécile Odartchenko dans le cadre d'un partenariat avec les Editions Abel Bécanes et le forum Livraddict, que je remercie vivement pour la découverte de cet ouvrage très agréable à lire, et au style poétique certain. C'est avec un grand plaisir que je lirai les tomes suivants!
Pourquoi cet auteur, pourquoi ce titre? Tout d'abord, l'auteur en raison de ses origines russes, qui représentent une culture que je ne connais que trop peu et qui m'attire terriblement. Ensuite ce titre, grâce à la présentation de l'éditeur, où certaines phrases ne pouvaient qu'attiser ma curiosité : "Dans la solitude déchirée de la guerre, la petite fille se nourrit de la culture et des paysages d'une Russie dont son père la fait héritière. Et qu'importe qu'à la fin de sa vie la déchéance le gagne : il lui aura transmis son énergie, sa démesure et le lyrisme de ses passions [...] A travers les péripéties et les aventures, émerge la belle figure d'un père aimant, déraciné, bien mal fait pour la dureté du quotidien".
A travers ces quelques pages, nous assistons en effet à la naissance d'une femme, que la vie n'a pas épargnée, mais qui, au fil des épreuves, trouvera force et réconfort dans les mots, la littérature, la poésie, la rêverie... On ne se demande pas, après avoir lu Chardonneret, pourquoi Cécile Odartchenko est devenue écrivain!
Dès l'entrée du récit, l'auteur nous met face aux lectures que lui a faites sa nourrice Nadia, durant toute son enfance : les contes traditionnels, les auteurs classiques russes... Autant de références que le lecteur retrouvera avec plaisir au détour d'une phrase, d'une allusion, partageant ainsi avec la petite fille les mêmes images, les mêmes histoires (en particulier celles de Guerre et Paix, de Tolstoï).
S'ensuit, comme dans toute autobiographie, l'histoire de ses parents, du couple mythique, aux yeux de l'enfant qu'elle était, qu'ils formaient à leurs débuts où la passion les unissait, sous le regard bienveillant des grands-parents.
Mais cette harmonie est rapidement perturbée, gâchée même, par l'irruption de la guerre, des fuites qu'elle a provoquées (les enfants ont été envoyés à l'abri dans des villes lointaines) et les choix qu'elle a imposés. C'est ainsi que la mère du personnage s'est engagée dans la Résistance, délaissant ses enfants et son mari et sombrant dans une dureté et un manque de tendresse qui m'ont vraiment marquée...
Ce que j'ai particulièrement apprécié, dans ce récit, c'est la simplicité avec laquelle l'auteur rapporte des faits marquants, parfois très douloureux, de son enfance. Une narration fluide, sans effet dramatique exagéré, où la pureté du point de vue de l'enfant est préservée, avec ses pensées naïves, et souvent sans concession. Et pourtant, cela n'empêche pas l'écriture de posséder de réelles qualités poétiques, par ses images, son rythme délicat, où la fragilité de la vie et des moments heureux transparaît.
Les mélanges d'univers sont également très plaisants : la réalité de la guerre et du quotidien ; les citations littéraires ; les hypothèses de l'enfant cherchant à expliquer le monde ; les références au passé familial, prenant l'aspect de légendes, constituent autant de strates narratives qui nourrissent à souhait le récit autobiographique et permettent au lecteur de pénétrer pleinement dans la vie du personnage et de s'y attacher assurément.
Dans toutes ces évocations, de la simple littérature à l'énoncé de plats traditionnels, j'ai ressenti une grande nostalgie : pour sa nourrice, qui a sans doute été le seul pilier de son enfance ; pour son père, ce modèle de vie et de foi en la vie et en l'amour ; pour sa mère, également, avec laquelle les relations ont été marquées de "mal-amour" et de déceptions... Une nostalgie qui pénètre peu à peu le lecteur et qui lui fait éprouver, au final, une légère tristesse pour le personnage.
Une claque, donc, que ce récit qui se lit tout seul et dont on ne peut que déplorer, sans doute, d'être si court...
Et en prime, une édition toute douce, agréable à manipuler en raison de son format un peu plus grand qu'un livre de poche, avec une couverture à rabat qui peut servir de marque-page, même si, comme toute bonne lectrice-blogueuse, des marque-pages, j'en ai des tonnes (encore deux de plus achetés aujourd'hui!). A cela s'ajoute une très belle préface de l'écrivain Pierre Garnier, dont les analyses sur l'oeuvre me semblent très fines et très pertinentes.