D’autres vies que la mienne, d’Emmanuel Carrère
Pourquoi cet auteur ? Grâce à Pimprenelle, qui en a lancé la découverte sur son blog.
Pourquoi cette œuvre ? Grâce à mon libraire, qui m’a dit « Vous allez voir... », appuyé par une cliente qui se trouvait là et qui disait que le livre l’avait retournée…
Et effectivement, j'ai vu...
Il va m’être très difficile de rendre compte de la lecture de ce récit, tellement j’en ai été bouleversée, en profondeur. C’est simple, j’ai réellement dû espacer les moments de lecture, les réserver aussi pour des temps de calme, de solitude tellement ça m’étreignait le cœur et tellement j’avais besoin de digérer, de méditer ces morceaux de vie.
Je crois bien que c’était la première fois que je lisais un récit portant aussi intensément et aussi crûment sur la mort. Voilà de quoi il est question : d’un côté, un jeune couple qui perd sa petite fille lors du tsunami et de l’autre, une jeune femme qui meurt d’un cancer, laissant derrière elle son mari et ses trois filles ; d’un côté, la survie après la mort d’un enfant et de l’autre, la vie avant une mort assurée.
Certes, ce sont sans doute des thèmes assez ordinaires, mais l’écriture de Carrère, que j’ai découverte pour cette lecture commune, leur donne une ampleur et une puissance exceptionnelles, justement par l’humilité et la simplicité avec lesquelles l’auteur les aborde.
Dans la première partie, nous découvrons, en même temps que le narrateur la réaction de Delphine et Jérôme, après la disparition de leur fille Juliette. Le fil narratif nous donne à voir progressivement les dégâts matériels d’abord, puis humains ; des dégâts visibles d’abord (maisons détruites, amoncellement de cadavres), puis invisibles (la souffrance de chacun, l’hermétisme à toute communication de Delphine). Le style adopté par Carrère pour rendre compte de ces événements est simple, mais justement parce qu’il est simple, il me paraît juste, il me paraît toucher du doigt une réalité brute, violente et d’autant plus violente qu’elle n’est pas stylisée. Dans la seconde partie, c’est l’histoire d’une autre Juliette que nous dévoile le narrateur, une Juliette qui est aussi sa belle-sœur, morte d’un cancer peu après le tsunami. Ce récit est plus long, plus complexe, mêlant les moments qui se situent avant la mort, et les moments qui la suivent. Les points de vue,n des témoignages en fait, sont également nombreux : celui des parents, du mari, de l’ami… Le récit se déroule grâce à la succession des ces témoignages mais une fois encore, le style choisi par l’auteur, sobre, suffit à suggérer la souffrance de cette famille : au milieu des récits, le lecteur découvre une phrase, un paragraphe qui d’un coup, l’étreint, laisse entrevoir une vérité sans fard. Ainsi Juliette est-elle décrite comme « vivante, pleinement, avidement vivante » (p.110) : ces mots seuls suffisent, par contraste, à dire la cruauté de sa disparition pour ses proches.
Ces expériences douloureuses, rapportées par l’auteur, lui permettent de faire un retour sur lui et de prendre un départ neuf dans sa vie de couple. La lecture permet au lecteur de prendre un recul similaire sur la vie, mais jamais avec angoisse, jamais avec désespoir, au contraire.
Merci à Pimprenelle pour sa belle idée !
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