Histoire de ma mère, de Yasushi Inoué
Comme dans Le Maître de thé, le thème central de ce recueil de trois récits est la mort. Mais cette fois, elle n'a pas eu lieu : elle approche, lentement, difficilement, douloureusement. De même, cette fois, la mort n'est pas brutale, pas mystérieuse : c'est à la mort naturelle, la mort qui suit la vieillesse que Inoué nous confronte ici.
Le récit s'ouvre sur la mort du père, conduisant le narrateur à s'interroger sur le côté éphémère de la vie et des liens que l'on peut avoir avec ses plus proches. La narration ensuite se centre sur l'histoire de sa mère, devenue veuve et peu à peu marquée par les traits de la sénilité : répétition des mêmes questions, ressassement des mêmes souvenirs lointains, des mêmes préoccupations, mémoire des événements récents qui disparaît peu à peu, et enfin, infantilisme. C'est un parcours "à la fois exaspérant et déchirant" que le narrateur nous retrace dans ces trois récits. "Exaspérant" pour les proches, enfants et petits-enfants, qui subissent les attaques parfois cruelles de la vieille femme et qui assistent, impuissants, à sa déchéance. "Déchirant" également, parce qu'ils voient disparaître "Grand-Mère" dans tout ce qu'elle représentait : énergie, gentillesse et protection.
Ce récit est vraiment touchant de ces deux points de vue : parce qu'il nous montre le travail de la sénilité à l'oeuvre, dur, pesant, sans tomber dans l'excès de pathos, et parce qu'il met en scène toute une famille, toutes générations confondues, confrontée aux effets nombreux et parfois inattendus de la vieillesse, et cherchant sans cesse à la rendre plus agréable pour Grand-Mère, bien que chacun oscille entre incompréhension et compassion, agacement et indulgence, lassitude et dévouement.
Décidément, j'aime beaucoup cet auteur, j'apprécie les thématiques qu'il aborde, l'écriture fluide, presque aérienne, et toujours très pudique qu'il met en oeuvre... Serait-il sur le point de devenir auteur fétiche ?