La Vague, de Todd Strasser
Il n'était pas dans mes livres en cours de lecture, mais 2h de train m'ont permis de le commencer... et de le terminer!
La Vague est un court récit qui se base sur une histoire réelle: l'expérience contestée et sans doute contestable que met en place un professeur d'histoire dans les années 70, aux Etats-Unis, pour mieux faire comprendre la propagation du nazisme à ses élèves de Terminale, restés perplexes après la projection d'un documentaire sur l'époque. Cette expérience consiste à instiller peu à peu l'esprit de groupe à ses élèves, par le biais de règles, d'attitude et de slogans que tous doivent adopter au sein de la classe. Une attitude : répondre à leur professeur en se levant, en se mettant à côté de sa table et en commençant chaque réponse par "Monsieur Ross...", tout en faisant des phrases les plus courtes possibles. Un slogan : "La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action". Un salut viendra même compléter ce tableau.
Seulement voilà, le professeur se laisse prendre au jeu de ce que lui appelle la position de "leader" et ses élèves, intrigués tout d'abord, ensuite tout simplement dociles, finissent par étendre La Vague à leur équipe de football, puis à leur établissement entier, recrutant à tour de bras au cours de meetings qu'ils organisent eux-mêmes, et, finalement, rejetant, et parfois malmenant ceux qui n'adhèrent pas au mouvement. L'enseignant lui-même constate les effets de La Vague, appréciant l'esprit de groupe, le bon apprentissage des leçons fait par les élèves qui parviennent à répondre rapidement à ses questions, mais constatant en même temps qu'"il n'y avait aucune analyse, aucun questionnement de leur part" (p.109). Ce constat n'ira pas plus loin et ce n'est que poussé par l'administration, par des parents effrayés et par des élèves qui mettent en doute l'effet bénéfique de La Vague, que le professeur Ben Ross mettra fin à son expérience, d'une manière que j'ai trouvée un peu brutale et peu crédible, et qui m'a laissée très mal à l'aise.
Car c'est ce que je retiendrai principalement de cette lecture : le malaise que l'ouvrage m'a fait éprouver. Malaise face à la facilité avec laquelle, effectivement, un esprit de groupe peut mal tourner et devenir germe de totalitarisme. Malaise face à cet enseignant qui ne se rend pas compte du pouvoir, de l'emprise qu'il peut avoir sur ses élèves et qui, même à la fin, reste dans sa posture de leader, décide seul de la manière dont il va faire cesser le mouvement et demande à ses deux élèves contestataires de lui faire confiance : pour moi, il continue, malgré sa prétendue prise de conscience, à jouer de son aura de leader et de son pouvoir d'enseignant pour forcer ses élèves au silence. Malaise, enfin, face à la fragilité de nos adolescents. L'expérience est romancée, certes, mais elle n'en repose pas moins sur une base de vérité: nos élèves sont en pleine construction, en pleine interrogation sur leur place dans la société et l'influence que les adultes peuvent avoir sur eux peut très vite se transformer en domination. Un passage m'a ainsi fortement fait penser au fonctionnement des sectes : au milieu de l'expérience, des élèves habituellement éteints prennent la parole pour dire leur bonheur de "faire partie de quelque chose", leur fierté d'appartenir à La Vague, et l'un d'entre eux va même jusqu'à parler de "renaissance"... Intéressant, mais également inquiétant...
En résumé, un livre très facile à lire mais qui n'en interroge pas moins.
Vous pouvez voir ici le commentaire de Stephie!