Terre des oublis, de Thu Huong Duong
Parcourir un roman de près de 600 pages en me disant, du début à la fin,"quel bijou, quelle merveille, dans l'écriture comme dans l'histoire !" est assez rare pour que je le souligne.
Terre des oublis nous projette en plein dans l'après-guerre du Vietnam, alors que la vie semble avoir repris son cours et que les individus essaient de se reconstruire et de se retrouver. Miên est une jeune vietnamienne comblée par la vie, heureuse avec son époux Hoan et leur fils, et bénéficiant de conditions de vie plus qu'aisées. Un soir, son monde s'écroule : elle découvre avec surprise et consternation, que Bôn, l'homme qu'elle avait épousé 14 années auparavant, n'est pas mort à la guerre, comme l'avaient déclaré les autorités, et qu'il est à présent de retour au village, réclamant sa place... Obéissant aux valeurs sociales et morales qui font d'elle une femme exceptionnelle, Miên décide de sacrifier sa vie et son bonheur à celui qui n'a pas hésité à se sacrifier pour son pays : elle retourne vivre chez Bôn, dans la misère la plus totale et la plus sordide, subissant les humiliations de sa belle-famille, la dépression de son époux et la séparation d'avec les êtres qui lui sont chers. Le roman se poursuit avec l'évocation croisée de la vie de ces trois personnages : leur passé, leurs hantises, leurs combats quotidiens pour continuer à vivre et pour tenter de trouver un semblant de bonheur dans une vie brisée, mais surtout leur générosité hors du commun. Car si Bôn est un être anéanti par une guerre qui a foudroyé ses rêves les plus simples (vie de famille, métier honorable...) et lui a laissé des traumatismes irréparables, Miên et Hoan se distinguent par la force de leur amour et la grandeur de leur coeur, qui en font des personnages vraiment attachants, qu'on suit avec plaisir tout au long du récit.
Et que dire de l'immersion dans la culture vietnamienne, si ce n'est qu'elle est absolument réussie, mêlant la douceur des traditions, familiales, sociales, culinaires, et la crudité de la misère des campagnes. Ceux qui me connaissent sauront évidemment que je parle en connaissance de cause... J'ai adoré retrouver, au fil des pages, des termes vietnamiens familiers, des descriptions de cérémonies ou de plats traditionnels et pour ceux qui veulent en savoir plus sur cette partie de l'Asie, je ne peux que dire : allez-y !
(Par contre, énorme mauvaise surprise à la fin du roman que j'avais acheté d'occasion chez Gibert : je n'ai pas les dernières pages!!!! ça s'arrête chez moi à la page 680, en plein milieu d'une phrase!!!!!! heureusement que ce n'est pas un roman à suspense, mais bon, là, je suis très très très énervée... donc il ne me reste plus qu'à courir dans une librairie...)