La Voleuse de livre, de Markus Zusak
"Un roman où il est question: d'une fillette, de mots, d'un accordéoniste, de fanatiques, d'un boxeur juif, d'un certain nombre de vols..." Voilà les mots que nous pouvons lire au dos de l'ouvrage dont je vais parler ici.
La Voleuse de livres de Zusak a pour contexte la seconde guerre mondiale et porte sur quatre années de la vie de Liesel, au cours desquelles elle découvrira tour à tour les plus grands bonheurs et les plus vives douleurs: bonheur de trouver une famille et un père qui sera un soutien et un modèle infaillibles au cours de la guerre ; bonheur d'apprendre à déchiffrer les mots, à lire les histoires et à les imaginer ; bonheur de se battre contre un garçon ; bonheur de voler de la nourriture, de voler des livres ; bonheur d'aimer... Mais également terreur face à l'émergence d'une haine qu'elle ne comprend pas, terreur à l'idée de manquer d'argent et de nourriture, terreur durant les bombardements ; terreur d'aider des juifs dans leur tentative de survie.
J'ai, comme beaucoup je suppose, déjà lu plusieurs livres portant sur ces événements terribles, mais celui-ci a la particularité de nous introduire dans les foyers de plusieurs de ces familles allemandes qui ont subi, à leur manière, une forme de persécution et d'oppression (obligation d'adhérer au parti, à la jeunesse hitlérienne, de ne pas réagir lorsque les juifs défilent en direction des camps, de cacher ses opinions...). Le point de vue de la jeune Liesel ajoute à la tension, puisqu'elle nous livre avec une innocence dramatique son incompréhension face à une haine sans fondement qui la touche de plus en plus directement.
L'originalité de ce livre, du point de vue narratif, est d'être relaté par la Mort elle-même, qui "n'a jamais été aussi occupée", dit encore la 4ème de couverture. Prise de parole étonnante, déroutante même au début de l'ouvrage, mais dont l'intrusion à certains moments clés de l'histoire permet de démultiplier la tonalité dramatique, par l'ajout d'un détail, d'une définition de dictionnaire qui permet au lecteur de mesure l'ampleur, la gravité des événements évoqués et de certaines paroles prononcées.
Mais avant tout, ce qui fait le fil directeur de ce livre, pour moi, c'est la rencontre avec l'Autre. Car Liesel, d'abord, fait la rencontre de Hans et Rosa Hubermann, qui l'adoptent, elle fait ensuite la rencontre de Rudy, qui deviendra son meilleur ami, puis la rencontre de Mme Le Maire, qui deviendra un soutien précieux dans sa quête des mots, enfin, la rencontre de Max, juif persécuté qui trouvera refuge chez les Huberman pendant des mois qui seront intenses en peurs, en découvertes, en humanité. Les échanges entre Liesel et son père adoptif, et entre Liesel et Max, le juif, sont les moments que j'ai trouvés les plus beaux dans ce récit car ils m'ont fait toucher du doigt ce que le mot "rencontre" signifie : trouver quelqu'un par hasard sur son chemin, mais également aller volontairement vers l'autre.